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La Chambre criminelle de la Cour de Cassation vient, dans un arrêt du 22 juin 2021, de se prononcer, concernant une personne en curatelle, sur la mise en œuvre de l’article 706-113 du code de procédure pénale, notamment en matière d’absence de notification d’actes argués de nullité au curateur.
La Cour s'aventure également, dans cet arrêt - et peut-être pour la première fois - sur un début de définition du périmètre de l'assistance du curateur en procédure pénale (Cf. 62).
1 – Les faits
11 - Le 28 décembre 2019, à la suite d’un signalement, les gendarmes sont intervenus dans un appartement pour secourir une femme et ont procédé à l’interpellation de M. [Z].
12 - Le 30 décembre 2019, à l’issue de sa garde à vue, l’intéressé a été mis en examen des chefs d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, viol et violences aggravés. Il a été placé en détention provisoire.
13 - Par courrier daté du 28 juillet 2020, un avocat a informé le juge d’instruction qu’il était saisi par le curateur de M. [Z], La croix marine Auvergne-Rhône-Alpes, et qu’il assistait l’intéressé dans le cadre de l’information judiciaire.
14 - Ledit avocat a saisi, le 14 décembre 2020, la chambre de l’instruction d’une requête tendant à l’annulation, notamment, de la garde à vue et de l’interrogatoire de première comparution de M. [Z].
15 – Le 15 décembre 2020, la Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom rejette cette demande d’annulation.
2 – La Cour de Cassation
21 - La Cour annule l’ordonnance susvisée du président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom.
22 - La Cour constate que, du fait de l’annulation prononcée, la chambre de l’instruction se trouve saisie de la requête déposée par le demandeur.
23 - La Cour ordonne le retour de la procédure à cette juridiction autrement présidée.
3 – Le moyen soulevé par le demandeur
Le moyen critique l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a déclaré irrecevable la requête en nullité formée par Me [G], conseil de M. [Z], le 14 décembre 2020, alors « que le délai de six mois prévu par l’article 173-1 précité du code de procédure pénale ne saurait courir à l’encontre d’un majeur protégé, mis en examen, tant que son curateur n’a pas été avisé des actes en cause, conformément aux dispositions précitées des articles 706-112-1 et 706-113 du code de procédure pénale ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevable la requête en nullité formée par le conseil de M. [Z] le 14 décembre 2020, que le délai de six mois prévu par l’article 173-1 du code de procédure pénale avait couru à l’encontre de celui-ci et avait ainsi expiré le 30 juin 2020, malgré l’absence de notification des actes argués de nullité au curateur de M. [Z], quand un tel délai ne pouvait être opposé au majeur protégé tant que son curateur n’avait pas été informé desdits actes, le président de la chambre de l’instruction a commis un excès de pouvoir, en violation des articles préliminaire, 173, 173-1, 706-112-1, 706-113 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
4 – Le Raisonnement de la Cour de Cassation
41 - Pour déclarer irrecevable la requête en nullité déposée dans l’intérêt de M. [Z], l’ordonnance retient notamment que lors de son audition en garde à vue du 28 décembre 2019 à 18 heures 55, le mis en examen a déclaré qu’il était sous curatelle et qu’il n’était pas en mesure de communiquer les coordonnées de son curateur.
42 - Le juge ajoute que M. [Z] était assisté d’un avocat lors de sa mise en examen et qu’à l’issue de l’interrogatoire de première comparution, au cours duquel il a décidé d’user de son droit au silence, il a déclaré qu’il renonçait à l’assistance d’un avocat pour la suite de la procédure.
43 - Le président de la chambre de l’instruction conclut que dès lors que les moyens de nullité tirés de ce que le mis en examen était placé sous un régime de protection étaient connus lors de son interrogatoire de première comparution et pouvaient être soulevés dès cet acte de procédure par le mis en examen ou son conseil, le délai de forclusion prévu par l’article 173-1 du code de procédure pénale a commencé à courir le 30 décembre 2019 pour se terminer le 30 juin 2020.
44 - En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs.
5 – Idées-force - Verbatim - Cour de Cassation
51 - "En effet, en premier lieu, lorsqu’il apparaît en procédure, comme au cas présent, que la personne concernée est un majeur protégé, selon l’article 706-113 du code de procédure pénale, son curateur ou son tuteur doit être avisé, d’une part, des poursuites et des décisions de condamnation dont cette personne fait l’objet, d’autre part, de la date de toute audience concernant la personne protégée.
52 - En second lieu, dès lors que le majeur protégé mis en examen ne bénéficie pas de l’assistance de son tuteur ou curateur, l’intéressé ne peut être regardé comme étant en mesure de connaître les éventuelles nullités affectant la procédure, de sorte que le délai ne court pas."
6 – Analyse
61 – Sur le fond du raisonnement de la Cour de Cassation (Cf. 51), aucune nouveauté particulière à déceler.
62 – Par contre, à notre avis, le second volet du raisonnement (Cf. 52) de la Cour est d’un tout autre acabit.
621 - En effet, en notant que « dès lors que le majeur protégé mis en examen ne bénéficie pas de l’assistance de son tuteur ou curateur, [le majeur protégé] ne peut être regardé comme étant en mesure de connaître les éventuelles nullités affectant la procédure », la Cour de Cassation repousse quelque peu le concept « d’assistance en matière de procédure pénale » et nous semble procéder à une assimilation délicate - au minimum - entre l’assistance du curateur et celle de l'avocat.
622 – A ce titre, sur la base du raisonnement tenu par la Cour de Cassation, chaque MJPM pourrait donc se retrouver en situation "de connaître les éventuelles nullités affectant la procédure" et de les restituer au curatélaire, aux fins d'assister ce dernier.
A suivre avec intérêt.
7 - Observation
71 – L’arrêt, une nouvelle fois, invite le mécanisme de l’article 706-113 du code de procédure pénale; Article qui doit faire l’objet d’une nouvelle rédaction d’ici octobre 2021 (Cf. 92) suite à la décision du conseil constitutionnel du 18 janvier 2021 en matière de perquisition.
8 – Document en ligne
Arrêt n°782 du 22 juin 2021 (21-80.407) - Cour de cassation - Chambre criminelle
9 – Documents en lien (Accès à nos abonnés)
91 - 28 mai 2021 - Validité d’un réquisitoire introductif d’instance et d’une perquisition sans avis au curateur (Cour de Cassation)
92 - 11 mai 2021 Exercice des Mesures - Protection au Pénal - Avis sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire - Défenseur des Droits
93 - 12 février 2021 Exercice des Mesures - Protection au Pénal - Audience devant le juge de l'application des peines - Inconstitutionnalité (Conseil Constitutionnel)
94 - 18 janvier Exercice des Mesures - Protection au Pénal - Perquisition d'une personne en protection - Inconstitutionnalité (Conseil Constitutionnel)
Référence :2021062501