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Jan 185 min read

Exercice des Mesures - Protection au Pénal - Perquisition d'une personne en protection - Inconstitutionnalité (Conseil Constitutionnel)

Dans une décision du 15 janvier 2021, le Conseil Constitutionnel s'est prononcé sur la question prioritaire de constitutionnalité posée le 13 octobre dernier (Cf.7) en matière de perquisition au domicile d'une personne en protection.

1 – Texte de la question prioritaire de constitutionnalité (Rappel)

“Les dispositions de l’article 706-113 du code de procédure pénale sont elles contraires au principe du respect des droits de la défense et d’une procédure pénale juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’elles ne prévoient pas que le curateur ou le tuteur d’un majeur protégé soit averti d’une perquisition concernant ce dernier effectuée en phase d’enquête ?”

2 - Réponse du Conseil Constitutionnel

Article 1 - Le premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure pénale , dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est contraire à la Constitution.

Article 2 - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 12 de cette décision.

[…]

Article 12 - l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait notamment pour effet de supprimer l'obligation pour le procureur de la République et le juge d'instruction d'aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, en cas de poursuites pénales à l'encontre d'un majeur protégé. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er octobre 2021 la date de l'abrogation des dispositions contestées. »

3 - Raisonnement du Conseil Constitutionnel

31 - "Les dispositions contestées, qui prévoient l'information du curateur ou du tuteur d'un majeur protégé lorsqu'il fait l'objet de poursuites pénales ou de certaines alternatives aux poursuites, ainsi que l'information du juge des tutelles, ne s'appliquent pas aux perquisitions réalisées dans le cadre d'une enquête préliminaire.

32 - En application de l'article 76 du code de procédure pénale, une perquisition ne peut en principe être effectuée au domicile d'un majeur protégé, comme de toute autre personne, sans que son assentiment exprès ait été recueilli par les enquêteurs.

Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment.

33 - Toutefois, ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition législative n'imposent aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, au préalable, si la personne au domicile de laquelle la perquisition doit avoir lieu fait l'objet d'une mesure de protection juridique et d'informer alors son représentant de la mesure dont elle fait l'objet.

Or, selon le degré d'altération de ses facultés mentales ou corporelles, le majeur protégé, s'il n'est pas assisté par son représentant, peut être dans l'incapacité d'exercer avec discernement son droit de s'opposer à la réalisation d'une perquisition à son domicile.

34 - Dès lors, en ne prévoyant pas que l'officier de police judiciaire ou l'autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle est réalisée la perquisition soit, en principe, tenu d'avertir le représentant d'un majeur protégé lorsque les éléments recueillis au cours de l'enquête préliminaire font apparaître que la personne fait l'objet d'une mesure de protection juridique révélant qu'elle n'est pas en mesure d'exercer seule son droit de s'opposer à la réalisation de cette opération, le législateur a méconnu le principe d'inviolabilité du domicile. "

4 – Analyse

41 – Sur le fond, et comme nous l'avions précédemment noté, la question présente ressemblait à celle - traitée en 2018 - relative à la garde à vue d’une personne en protection et qui portait d'ailleurs également sur l'article 706-113 du code de procédure pénale.

411 - De fait, sans surprises, le premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure pénale , dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est déclaré contraire à la Constitution.

412 - De manière périphérique, on pourra d'ailleurs observer avec intérêt que c'est la question de l'inviolabilité du domicile qui constitue le point axial du raisonnement du Conseil (Cf. 34).

43 - Sur les conséquences de cette décision, et comme le déduit le Conseil, une abrogation sine die de cet alinéa aurait des incidences générales sur l'information du curateur ou du tuteur d'un majeur protégé, et du juge des tutelles, lorsqu'il fait l'objet de poursuites pénales ou de certaines alternatives aux poursuites.

431 - En conséquence, l'abrogation est reportée au 1er octobre 2021.

432 - D'ici cette date, un nouveau premier alinéa devrait donc être inséré dans l'un ou l'autres des futurs projets de loi qui seront discutés au Parlement.

5 - Observation

Sur la forme, et à l’instar de ce que l’on peut constater en matière de garde à vue, les dimensions pratiques et opérationnelles de ces garde-fous législatifs pourront parfois se heurter aux questions de flagrance, d’urgence ainsi qu’aux positionnements - et disponibilités diverses - des MJPM, auxquelles vont éventuellement se rajouter ici des questions géographiques, si comme le note le Conseil, la personne en protection devait être assisté par son représentant (Cf. 33), ce qui dépasse alors le cadre de la simple information visée par les textes.

A suivre.

6 - Documents téléchargeables

Décision n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021

Décision n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021 - Communiqué

7 – Document en lien

27 octobre 2020 - Perquisition d'une personne en protection - Question Prioritaire de Constitutionnalité (Cour de Cassation)

Référence :2021011801

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