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La Commission d'Accès aux Documents Administratifs vient de mettre en ligne un nouveau Conseil du 13 janvier 2022 portant sur la demande de communication directe à une personne en tutelle, sans obligation de solliciter l’autorisation du tuteur, de son dossier médical.
NdA. Le différentiel de temps entre la date de l'avis et la date de publication ressort du fonctionnement classique de la CADA.
1 – Résumé
11 – La demande initiale
La demande émane de l’Établissement Intercommunal de Santé Mentale du Cher - Centre hospitalier George Sand (Bourges) et porte donc sur "la communication directement à un patient bénéficiant d’une mesure de tutelle à la personne, accueilli en famille d’accueil thérapeutique, en service libre, à temps plein, de son dossier médical, sans obligation de solliciter l’autorisation du tuteur".
2 – Conseil de la CADA - Verbatim
[…]
21 - "La commission précise, en outre, que le premier alinéa de l’article 449 du code civil reconnaît toutefois à la personne protégée le droit de prendre seule les décisions relatives à sa personne, dans la mesure où son état le permet.
22 - Elle estime que l’accès au dossier médical est au nombre de ces mesures.
23 - L’alinéa suivant précise que lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Si cette mesure d’assistance est insuffisante, le juge ou le conseil de famille peut, le cas échéant après le prononcé d'une habilitation familiale ou l'ouverture d'une mesure de tutelle, autoriser la personne chargée de cette habilitation ou de cette mesure à représenter l'intéressé. La commission relève enfin que l’article 459-1 du code civil prévoit que l'application des dispositions de ce code consacrées aux effets de la tutelle et de la curatelle ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique.
24 - La commission précise, en deuxième lieu, que l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative aux actes médicaux prodigués aux majeurs protégés, prise en application de la loi de programmation de la justice (n° 2019-222 du 23 mars 2019), applicable depuis le 1er octobre 2020, a harmonisé les dispositions spécifiques du code de la santé publique avec les mécanismes de décisions applicables à la protection juridique des majeurs, issus du code civil.25 - Il ressort des travaux préparatoires ayant précédé l’adoption de ce texte et plus précisément de son exposé des motifs que : « L’objectif est de préciser le rôle de la personne chargée de la protection et le cas échéant du juge des tutelles, et de renforcer la protection de la personne protégée ainsi que le respect de son autonomie dans la sphère personnelle s’agissant plus particulièrement des décisions en lien avec un acte médical ». Ce texte a modifié les dispositions du code de la santé publique afin de les harmoniser avec celles du code civil.
26 - Ainsi, l’article L1111-2 du code de la santé publique, qui prévoyait jusqu’alors que les droits des majeurs sous tutelle étaient exercés par le tuteur, pose désormais clairement le principe d’une information médicale directement délivrée au majeur protégé d'une manière adaptée à ses capacités de compréhension, ainsi qu’à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne.27 - L’article L1111-4 prévoit, quant à lui, que le consentement au soin doit être obtenu en première intention auprès de la personne majeure protégée, si elle est apte à exprimer sa volonté, au besoin avec l'assistance de la personne chargée de sa protection. Ce n’est que lorsque cette condition n'est pas remplie, qu’il appartient à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne de donner son autorisation, en tenant compte de l'avis exprimé par la personne protégée.
28 - La commission rappelle, en troisième et dernier lieu, que le premier alinéa de l'article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d'accéder aux informations concernant sa santé, détenues par des professionnels ou des établissements de santé, « directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne ».29 - Elle relève que le deuxième alinéa (NdA. de l'article L1111-7 du code de la santé publique) dans sa rédaction en vigueur issue de l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020, dispose en outre que : « Lorsque la personne majeure fait l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, la personne en charge de la mesure a accès à ces informations dans les mêmes conditions ».
210 - La commission déduit de la lettre de la loi, éclairée par les travaux parlementaires de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, laquelle a élargi à la personne en charge de l'exercice de la mesure de protection la possibilité d’accéder au dossier médical du patient protégé, que l’accès au dossier médical du patient protégé placé sous tutelle n’est pas un droit exclusif de la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne. Elle relève, par ailleurs, que l’article R1111-1 dresse, sans ordre de priorité particulier, la liste des personnes pouvant accéder aux informations à caractère médical d'une personne en vie, au nombre desquelles figurent notamment le patient lui-même et la personne chargée d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne si le majeur protégé y consent expressément.
211 - La commission déduit de l’économie de ces dispositions que si son état le permet, et sous réserve de mentions contraires figurant dans le jugement de tutelle, l’accès au dossier médical s’exerce de plein droit par le majeur protégé sous tutelle, d’une manière adaptée à sa capacité de compréhension, sans qu’il ne soit nécessaire de recueillir l’accord de la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne.
212 - Elle vous conseille, par suite, sous ces réserves, de répondre favorablement à la demande. »
3 – Analyse
31 – Tout d’abord, ce conseil de la CADA a le mérite de mettre en œuvre un argumentaire fondé sur l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 et d’en tirer toutes les subtilités incidentes (Cf. 26 et 29).
32 – Ensuite, par son approche, ce conseil, se fondant donc sur la loi, révolutionne le postulat relatif à l’accès par une personne en tutelle à son dossier médical.
33 – Le principe conclusif ainsi posé (Cf. 211) clarifie et schématise donc, à notre avis, le cadre contemporain sur cette question.
34 - Ses seuls écueils et limites en étant alors "l’état de la personne" et les "mentions inhérentes au jugement" et concernant directement ledit dossier médical.
35 – In fine, ce conseil de la CADA revêt une véritable dimension opérationnelle directe pour les MJPM, dans la mesure où l’accès aux dossier médical des personnes en protection est une thématique ancienne, délicate, récurrente et permanente de l’exercice d’une mesure de protection.
36 – A l’inverse, la reconnaissance (Cf. 210) du fait que le MJPM - exerçant une mesure avec représentation relative à la personne - n’est pas l’unique acteur ayant l’exclusivité sur l’accès au dossier a également son importance, à terme, notamment par rapport aux tiers.
37 - Néanmoins, comme vous le savez, au regard des délicates questions portant sur les demandes de communications de dossiers médicaux, des pratiques actuelles des établissements de santé et/ou des médecins et de la difficulté à simplifier l’argumentaire de la CADA - ce qui renvoie ainsi à la lisibilité et à la compréhension du code de santé publique, - il ne fait aucun doute que cette position de la CADA mettra un certain temps (sic) avant de rentrer dans les mœurs et les pratiques.
38 - Cependant, et sans attendre, dés qu’ils le jugeront utile, les MJPM disposent désormais du cadre légal et argumentaire nécessaire pour mettre en œuvre ces modalités d’accès au profit direct des personnes en protection.
A suivre.
4 – Document en ligne
5 - Documents en lien
16 septembre 2021 - Accès du dossier médical du défunt et qualité d'ayant droit (CADA)
18 juin 2021 - Accès au dossier médical et Administratif - CADA
29 juin 2020 - CADA - MJPM - Mémoires de facturation trimestriels
25 juin 2020 - CADA - MJPM - Rapports d'actvité (1) Rapports de contrôle (2)
Référence :2022042201