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La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a été publiée au JO du 23 décembre 2021.
NdA. Notre propos ne porte pas sur l’ensemble de la loi mais sur deux articles impactant les personnes en protection, les MJPM et le cadre d'exercice des mesures de protection.
1 - Analyse Introductive - Contexte
11 - Depuis la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le titre XXVII du code de procédure pénale est spécialement dédié aux règles applicables aux infractions commises par des majeurs protégés.
12 - Il est notamment imposé au procureur de la République ou au juge d'instruction d'aviser le curateur ou le tuteur d’un majeur protégé, ainsi que le juge des tutelles, en cas de poursuites engagées à l'encontre de celui-ci.
13 - De même, la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, a étendu ces garanties procédurales aux hypothèses dans lesquelles un majeur protégé fait l'objet d'une garde à vue ou lorsqu'il est entendu librement en application de l'article 61-1 du code de procédure pénale.
14 - L’article 14 de la présente loi tire ici les conséquences de la décision n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021 du Conseil constitutionnel (Cf. 74) et prévoit l’insertion d’un article 706-112-3 dans le code de procédure pénale en matière de perquisition (Cf. 21) et élargit le champ des poursuites et des alternatives à ces dernières pour lesquelles le tuteur ou curateur est avisé (Cf. 22).
2 - Verbatim
21 – Article 14 (21°) de la loi
[…] Après l’article 706-112-2, il est inséré un article 706-112-3 ainsi rédigé: « Art. 706-112-3. – Lorsque les éléments recueillis au cours d’une enquête préliminaire font apparaître qu’une personne chez laquelle il doit être procédé à une perquisition fait l’objet d’une mesure de protection juridique révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération, l’officier en avise par tout moyen son curateur ou son tuteur, afin que l’assentiment éventuel de la personne prévu aux deux premiers alinéas de l’article 76 ne soit donné qu’après qu’elle a pu s’entretenir avec lui. A défaut, la perquisition doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention en application de l’avant-dernier alinéa du même article 76.»; […]
21 – Article 14 (22°) de la loi
[…] Au début de l’article 706-113, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé: «Sans préjudice de l’application des articles 706-112-1 à 706-112-3, lorsque la personne fait l’objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d’instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté.»; […]
3 – Nouveaux textes
31 – Article 706-112-3 du code de procédure pénale
Lorsque les éléments recueillis au cours d’une enquête préliminaire font apparaître qu’une personne chez laquelle il doit être procédé à une perquisition fait l’objet d’une mesure de protection juridique révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération, l’officier en avise par tout moyen son curateur ou son tuteur, afin que l’assentiment éventuel de la personne prévu aux deux premiers alinéas de l’article 76 ne soit donné qu’après qu’elle a pu s’entretenir avec lui. A défaut, la perquisition doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention en application de l’avant-dernier alinéa du même article 76.
311 - Renvoi à Article 76 alinéas 1 et 2 du Code de procédure pénale
Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ou de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu.
Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait écrire, il en est fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment.
312 - Renvoi à Article 76 avant-dernier alinéa du Code de procédure pénale
Si les nécessités de l'enquête relative à un crime ou à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à trois ans l'exigent ou si la recherche de biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal le justifie, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire peut, à la requête du procureur de la République, décider, par une décision écrite et motivée, que les opérations prévues au présent article seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu. A peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention précise la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels ces opérations peuvent être effectuées ; cette décision est motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou la saisie des biens dont la confiscation est prévue à l'article 131-21 du code pénal. Toutefois, le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
32 – Article 706-113 du code de procédure pénale
Sans préjudice de l’application des articles 706-112-1 à 706-112-3, lorsque la personne fait l’objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d’instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté.
Le curateur ou le tuteur peut prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles prévues pour la personne poursuivie.
Si la personne est placée en détention provisoire, le curateur ou le tuteur bénéficie de plein droit d'un permis de visite.
Le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur des décisions de non-lieu, de relaxe, d'acquittement, d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, ou de condamnation dont la personne fait l'objet.
Le curateur ou le tuteur est avisé de la date d'audience. Lorsqu'il est présent à l'audience, il est entendu par la juridiction en qualité de témoin.
4 – Analyse conclusive
41 – De manière très opérationnelle pour les MJPM, et conformément à la décision du Conseil Constitutionnel évoquée (Cf. 14), l’article 706-112-3 (Cf. 31) introduit donc dans le droit positif l’avis au curateur ou au tuteur pour toute perquisition opérée au domicile de la personne en protection dans le cadre d’une enquête préliminaire.
42 – Identiquement en matière opérationnelle, l’alinéa introduit dans l’article 706-113 (Cf. 32) ouvre également, de manière fort claire et intelligible, l’avis au curateur ou au tuteur, en sus de celui concernant des poursuites traditionnelles, aux hypothèses suivantes:
5 - Observations
51 - Dans son avis du 11 mai 2021 (Cf.73), le Défenseur des Droits notait que « pour assurer l’accompagnement ou la représentation de la personne majeure protégée, il est indispensable de pouvoir identifier et informer le tuteur ou le curateur. Or, à ce stade, et à défaut de répertoire dématérialisé centralisé des mesures de protection judiciaire, la recherche d’une telle information par les officiers de police judiciaire est peu aisée."
52 - Selon cette Institution "Elle [la recherche d’une telle information] suppose de solliciter, préalablement à la tenue d’une perquisition réalisée dans le cadre d’une enquête préliminaire, un extrait intégral d’acte de naissance dans la commune du lieu de naissance de l’intéressé, puis de solliciter le juge des contentieux de la protection compétent, seule personne susceptible de communiquer l’identité du tuteur ou du curateur. »
53 – De fait, entre les règles de droit actualisées par le législateur et les opérations de terrain, et les temporalités de ces dernières, la question des avis au curateur ou au tuteur, dans le cadre d'actes ou d'opérations relevant du champ pénal, ne semble pas encore totalement purgée de ses écueils.
54 - Concernant la date d'application de ces textes, le dispositif transitoire (Cf. article 59 de la loi), comportant plusieurs dates selon les chapitres et parties de la loi, étant actuellement illisible, nous mettrons à jour la présente note dés clarification officielle de ces éléments.
A suivre.
6 - Document en ligne
Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire
7 - Documents en lien
71 - 25 juin 2021 Exercice des Mesures - Protection au Pénal - (1) Absence de notification d’actes au curateur (2) Assistance du curateur au pénal (Cour de Cassation)
72 - 28 mai 2021 - Validité d’un réquisitoire introductif d’instance et d’une perquisition sans avis au curateur (Cour de Cassation)
73 - 11 mai 2021 - Exercice des Mesures - Protection au Pénal - Avis sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire - Défenseur des Droits
74 - 18 janvier 2021 - Exercice des Mesures - Protection au Pénal - Perquisition d'une personne en protection - Inconstitutionnalité (Conseil Constitutionnel)